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mardi 15 mai 2007

160 - La plume et le plomb

C'est un grand péché à mes yeux que de se faire ennuyeux auprès de son lectorat. Je blâme les auteurs ennuyeux plus soucieux de se plaire à eux-mêmes ou à leurs pairs que de se montrer plaisants à leurs lecteurs. Ce qui est fort méchant. Une bonne littérature, c'est une littérature qui touche la sensibilité. Et non l'intellect.

Vaine littérature que tous ces sujets prétentieux traités avec une gravité ridicule ! Ennuyer le lectorat avec des mots comme des enclumes, quel crime ! Un auteur qui prend des airs d'universitaire pour ajouter du crédit à son texte austère, ça apportera certainement un peu plus de lustre à ses lauriers, mais pas nécessairement au texte lui-même.

Ecrire des oeuvres ennuyeuses est un exercice certes fort plaisant pour l'écrivain, surtout si, tout pénétré de son importance il se prend au sérieux comme tout coquelet digne de ce nom. Las ! Les oeuvres graves souvent sont profondément soporifiques. En général le volatile à la plume pesante est pétri d'un orgueil tout parisien, et sa crête est d'une distinction formelle. Ce qui est une grave faute de goût.

Auteurs, mettez-vous à la place de vos lecteurs, séduisez-les avec votre beau panache, non avec vos pieds. Amenez-les à votre cause tout en légèreté, fantaisie, poésie et non avec de gros marbres intellectuels. Le vrai écrivain -qui par définition est poète- doit les prendre entre ses ailes et les emporter loin du quotidien prosaïque, non les assommer à coup de pierres, fussent-elle taillées en forme de grosses gélules. Quoi de plus contre-nature que de servir des cailloux en guise de nourriture aux êtres sensibles que sont les humains ?

C'est flatter leur orgueil que de prendre les lecteurs pour ce qu'ils ne sont pas : de purs intellectuels. Les gens sont des hommes, des humains, autrement dit des êtres sensibles, des enfants souvent, avant que d'être de purs esprits épris de littérature sèche. La plupart des auteurs se complaisent dans leur fatuité étalée avec des manières solennelles sous prétexte de littérature... Ha ! Ce fameux besoin d'écrire, impérieux, essentiel que l'auteur compare volontiers à une respiration vitale du haut de son minuscule perchoir de plumitif qu'il prend pour un piédestal !

Parmi ces malades de l'ego, les plus atteints publient sans complexe chez la "Pensée Universelle". Ces auteurs-là écrivent pour faire des livres. Ils écrivent pour la poussière et non pour les étoiles. C'est ce qui différencie le vrai écrivain, chantre des mots, et le faiseur de livres, simple "remplisseur" de pages. Heureusement pour ces derniers, il se trouve des lecteurs assez sots pour les lire.

Dans ce rapport auteur-lecteurs notons qu'il ne suffit pas à l'écrivain de posséder une plume de choix, encore faut-il que ses lecteurs aient le talent de la lecture.

Bref, le talent de l'écrivain consiste à plaire, séduire, émouvoir, enchanter les coeurs comme les esprits, non à tenter de faire ployer sous le fardeau de la pensée sèche, dure, le si fragile roseau humain qui n'aspire fondamentalement qu'à rêver.

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