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mardi 15 mai 2007

230 - Les monstres que nous sommes

Parlez-moi de malheur. Ne me dites pas des choses tendres. Je ne veux pas sucer des sucres d'orge en attendant la mort. Je préfère avaler des sabres et les sentir passer. Moi j'aime quand ça râpe la gorge.

Ne me parlez pas des voyous minables qui agressent des petites vieilles pour trois fois rien. C'est d'un banal... Parlez-moi plutôt des mémés-braqueuses qui font sauter des coffres-forts. Moi j'aime quand ça rapporte.

Ne me racontez pas des histoires qui se terminent bien. Parlez-moi de celles qui commencent mal et qui finissent mal. Contentez ma curiosité malsaine, comblez mon coeur de pierre si précieux. Moi j'aime quand c'est pervers.

Ne me caressez pas dans le sens du poil. Au contraire, irritez-moi, provoquez-moi, étonnez-moi, faites-moi trembler mes amis... Ne craignez pas de me froisser surtout. Vous savez bien que quand elle est froissée, la tôle est encore plus belle. Moi j'aime les frissons ondulés.

Je ne veux pas de votre soupe lactée au glucose et à la fleur d'oranger. Je n'ai pas envie de m'assoupir la tête posée sur un mol édredon, le cerveau baignant dans le formol. Vos beaux rêves bleus du dimanche, je n'en veux pas. Laissez-moi à mes cauchemars. Ils sont splendides, féconds, cosmiques. Oui, mes orages sont plus beaux que vos pâles couchers de soleils. Moi j'aime recevoir en pleine figure les crachats du ciel.

Dites-moi des choses terribles : parlez-moi d'amour. Celui des autres. L'amour trompé, trahi, l'amour insane, pitoyable, médiocre. En un mot l'amour qui fait mal. Moi j'aime voir pleurer.

Je n'ai pas envie de m'attabler avec vous : on ne sert pas de mets empoisonnés chez vous. Rien que du fromage blanc et de l'eau plate. Pauvres gens que vous êtes ! Si déshérités que même le Diable n'a rien à se mettre sous la dent. Sous votre toit, il ne neige même pas. Tout est bien bouché chez vous, et il y a du bon feu dans la cheminée. Aucun risque d'attraper froid en votre compagnie. Chez vous on lève le verre à la santé des autres... Moi j'aime mourir de rire.

Bref, je suis comme vous tous. Le masque en moins.

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