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samedi 19 mai 2007

555 - Ché picards des camps

(Les picards des champs)

Mortels sont certains villages picards à la morne saison. Sous la pluie, la brique rouge devient grise et les gouttières qui débordent hantent les âmes de leur chant monotone. Alors les casquettes longent les murs, les aboiements deviennent déprimants et les clochers lugubres. Triste est la terre du nord quand on en exhume les betteraves à sucre, sombre est le ciel de là-bas à la récolte des endives qu'on épluche devant l'âtre... Le temps des patates cependant réjouit les coeurs picards : la frite jaune -qu'accompagne la bière dorée- égaient ce pays de peupliers et de crachin.

Les chemins de craie sous l'onde mènent vers des horizons pleins d'ennui : la terre promise autour de ces villages d'enterrés est faite de peine et de larmes, de langueur et de grisaille. Le souvenir des batailles de la "14" est partout, et les corbeaux avec leurs plaintes funèbres donnent du relief au lointain trop plat.

Le soir au troquet le tabac est âcre et le jus sent la gnôle, les moustaches sont épaisses et les mots toujours les mêmes. Mais les coeurs restent grands ouverts. Dans les brumes de l'ivresse on cause chasse, pièges-à-loups, charbon, saucisses, braconnage, femmes.

Dans les rues désertes les nuits sont de longs rêves humides et glacés.

L'aube sous les pleurs sans fin de l'automne est cafardeuse, la rosée lourde, le café exquis.

J'aime les trous perdus de la Picardie intime : c'est dans ces terres froides et trempées, noires et profondes que j'ai pris racine.

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