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mardi 15 mai 2007

184 - La brique et le lierre

Je me suis vu sous des ombrages qui me sont chers, en un lieu oublié, connu de mon enfance seule. Et sous ces feuillages mouvants d'un été ancestral, des instants prestigieux de ma jeune existence se sont écoulés, paisibles et tendres. Cette terre en souvenance, cet éden humblement foulé par l'âge puéril, ce jardin de nostalgie, c'était un parc, celui d'un château.

Les frondaisons qui ondulaient sous la brise chaude rivalisaient de majesté, de gloire et de grandeur séculaire avec la façade claire du château. Je me souviens particulièrement de ses murs élevés, de ses fenêtres innombrables, de son aspect magistral et gracieux comme d'un paysage quotidien, familier, rassurant. Ces images m'envoûtent comme lorsqu'on retrouve, une fois adulte, une ambiance ensevelie dans la mémoire se rapportant aux heures innocentes de la vie.

Où me trouvais-je ? Qui étaient les hôtes de ce château ? Quel âge avait ma jeune âme ? Et ce château, était-ce, réellement un château ou bien un rêve, une fantasmagorie d'enfant ?

Plus tard j'ai retrouvé ces lieux perdus. J'ai goûté à plein coeur ces saveurs idylliques, j'ai senti le poids incomparable de la pierre érigée à glorieuse hauteur, j'ai eu chaud sous le souffle refroidi des passions d'antan, éteintes depuis un siècle. J'ai reconnu les verdures estivales apprises je ne sais où, je ne sais quand, et j'ai eu l'ivresse d'un jour, l'ivresse mélancolique. J'ai retrouvé mes chimères. C'était sous le règne de l'Amour, c'était au temps de l'indélébile illusion. La rencontre enchanteresse de la vigne vierge avec le vieux mur de briques rouges. Ce que l'on nomme communément : le lierre. Sur la pierre.

Un pan de mur ombragé par un bouquet de feuilles et quelques soupirs. Un pan de vie jamais effrité, toujours debout, dignement illustre, auguste, sans âge. Intact. Inébranlable.

Mais laissez-là mes briques, mes feuilles et mes larmes, aujourd'hui j'ai besoin d'être aimé pour une raison qui vaille, enfin : pour rien.

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