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samedi 19 mai 2007

572 - La déchéance poétique d'une jeune mère

Voici la réponse faite à une ancienne épistolière qui benoîtement m'annonce qu'après une gestation de neuf mois sans histoire, l'extraction finale de l'hôte crû dans sa matrice a réussi, surchargeant ainsi volontairement la planète d'une bouche supplémentaire qui réclame son dû lacté. Je ne la félicite pas du tout pour cet "exploit" à la portée de la première plébéienne venue. La Poésie est définitivement incompatible avec les affres et petitesses de la condition humaine. Donner la vie n'a rien de particulièrement admirable ni d'exceptionnel, c'est banal. Tout le monde sait le faire, même les animaux les plus vils. Mais surtout, c'est une insulte faite à la Poésie qui, profondément allergique aux braillements de la gent puérile, ne tolère que le son cristallin de la lyre.

Madame,

Quoi ? Vous avez succombé à pareille horreur ? Vous avez expulsé de vos femelles viscères un ennemi des muses ? Vous, victime consentante de la pire des trivialités de la condition humaine ? Et moi qui vous prenais pour un ange ! La nouvelle m'effraie. Il est vrai que j'avais oublié que vous étiez grosse. Vous me l'aviez dit il y a quelques mois, mais par naturelle réaction de défense face à cette agression poétique, j'avais inconsciemment occulté ce détail horrible.

Vos entrailles chéries, qu'en avez-vous fait ? Vous les avez offensées, souillées, déformées... Et tout ça pour accoucher d'un trésor qui n'en est pas un, d'une fausse promesse de bonheur, d'une illusion de joie. Vous baissez dans mon estime, moi qui vous portais aux nues jadis...

Je vous préférais vierge, mince, stérile.

Je vous aimais à ma manière, idéalisée, onirique, éthéréenne, tout en douleur et papier toilé de luxe chargé d'encre de Chine.

Mon amour pour vous était un amour supérieur, éclatant, pur et spirituel : c'était un amour de plume.

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