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mardi 15 mai 2007

195 - La littérature chèrement payée

Voici une lettre envoyée au directeur d'une revue littéraire.

Monsieur,

Je vois dans le numéro 53 de "Ecrire aujourd'hui" une publicité pour un stage d'écriture cet été en Bretagne, que vous vantez vous-même dans votre éditorial.

Ce stage est étonnamment onéreux. Finalement non, cela n'est pas étonnant... Mais là n'est pas l'affaire qui me préoccupe. Je pensais que votre publication n'avait aucune ambition commerciale de bas étage, méprisant les méthodes habituelles de manipulation des esprits. Or, en proposant ce genre de stage aux ignorants, aux faibles, aux naïfs ou aux grands narcissiques, il est flagrant que vous tirez profit du filon que représente l'amateurisme dans le domaine de l'écrit.

Bien sûr, vous saurez toujours donner d'excellentes raisons pour proposer un tel voyage en Bretagne et à grands frais aux amoureux maladroits de la plume, mais l'objection la plus élémentaire, la plus radicale qui me vient très naturellement à l'esprit est la suivante :

Est-il vraiment besoin d'aller s'exiler en terres extrêmes, aux antipodes du pays (dans le cas d'un marseillais intéressé par ce «voyage d'étude») et aux confins de la sobriété, de la simplicité, pour se faire enseigner l'art de manier la plume ?

Cela me fait songer à tous ces sportifs du dimanche qui ne pourraient courir, et tout simplement courir, sans leur panoplie vestimentaire de marque achetée dans un magasin prévu à cet effet... Cette mode de l'habillage outrancier des diverses activités privées de l'homme contemporain est parfaitement ridicule.

Ne souhaitez-vous vraiment pas, Monsieur, rendre adulte votre lectorat ? Je ne pense pas que les gens assez riches (ou assez inconscients) pour envisager un tel déplacement à vocation prétendument littéraire soient d'une grande maturité, qualité pourtant essentielle de tout écrivain. Je serais curieux de connaître votre avis sur le sujet.

Je vous remercie pour votre attention, et vous prie d'agréer mes salutations civiles.

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